mercredi 1 juin 2011

La mise en voix : pour quoi faire ?

Les choristes s’étonnent parfois de l’importance donnée par le chef de chœur à la mise en voix. Mais quelle utilité en imaginent-ils ?
Certes on se dit que le chanteur étant une sorte de sportif de la voix, il doit échauffer les muscles dont il aura besoin ensuite. Cela n’est pas faux mais la préparation physique, pour ne parler que d’elle, ne se réduit pas à cela. Il faut par exemple se mettre en état de penser les bons gestes de la posture, de la respiration et de la bouche, il faut réactiver tous ces bons réflexes que l’on a appris mais qui s’oublient si facilement.
Mais surtout, la préparation d’un choriste n’est pas la préparation d’un soliste ; il faut la concevoir comme la préparation d’un des multiples membres de ce grand corps que doit être la chorale ; c’est d’abord un travail collectif, ou plutôt c’est le travail de la constitution d’un collectif. Pour que ce corps agisse et réagisse comme un corps, il lui faut donc d’abord trouver son unité, il faut que l’ensemble de ses membres retrouve, au début de chaque répétition, le chemin d’une action orientée vers un but commun. Et puisqu’un chanteur, en chorale, ne chante bien que s’il écoute les autres (ceux de son pupitre et aussi les autres pupitres), une chorale ne peut se constituer que si la préparation réalisée par le chef de chœur est d’abord une préparation à l’écoute ; ne jamais chanter sans écouter les autres : au niveau des notes bien sûr, mais aussi du tempo, de la couleur des voyelles, du synchronisme des consonnes, du phrasé, etc. ; et, perdant l’habitude de commencer par se précipiter vers une partition, être d’abord capable de chanter vraiment ensemble quelques courtes phrases (sensées ou insensées, dans sa langue maternelle ou dans une autre) ; que la voix apprenne peu à peu à ne plus être guidée que par l’écoute ; qu’elle perde l’habitude tenace de croire que chanter c’est lire un texte.
Ces petites phrases d’exercice peuvent bien sûr être empruntées au répertoire en cours ; cela peut d’ailleurs donner l’occasion au chef de chœur de leur faire subir des déformations ou des variations ; le choriste peut alors croire que le chef perd la tête ; mais non, il utilise ces jeux comme un moyen, pour le choriste, de s’approprier son texte musical d’une façon vraiment intime, de solliciter sa mémoire en profondeur, de ne pas chanter superficiellement mais dans une véritable maîtrise, en tout cas une re-création, du matériau que l’on se plaît et s’amuse ainsi à tourner et retourner, pétrir, mastiquer, assouplir, un matériau qui s’enrichit peu à peu du fait que l’on en explore toutes les potentialités.
Ainsi la mise en voix – ou plutôt la préparation du chœur – non pensée comme une série plus ou moins absurde de vocalises n’est plus un moment d’ennui mais un moment de jeu et de détente véritable. A-t-on oublié que l’on parle de jouer de la musique, ou, tout simplement, que les mots musique et s’amuser ont la même racine ?
Allez, on essayera de penser maintenant que la mise en voix c’est plutôt une mise en voie – en bonne voie, évidemment.
 
 

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