jeudi 16 juin 2011

Entrer dans le monde du chant

Le chant humain est-il naturel ? Et celui des oiseaux ?

Aujourd’hui le bac de philo. Parmi les sujets : La culture dénature-t-elle l'homme ?
Je vous rassure je ne vais pas philosopher. Mais ce sujet m’a fait penser à une remarque d’une choriste à l’issue d’un concert où elle a beaucoup admiré les belles performances artistiques de quelques chanteurs. Et elle a conclu : mais alors le chant ce n’est pas très naturel ? Je crois bien qu’elle a raison, le chant c’est une vraie culture ; et çà demande parfois énormément de travail, comme souvent le vrai travail artistique.
Maintenant la question posée au bac fait suite à cela c’est : est-ce que cette culture – donc, par exemple est-ce que le chant, dénature l’homme ? À chacun de répondre…
En revanche il y a un chant qui, lui, est naturel, c’est celui des oiseaux : ils n’ont pas à l’apprendre et à travailler des années pour se perfectionner ! Mais alors est-ce qu’il mérite bien le nom de chant, nom que lui donnent les humains ? C’est ce dont va traiter en octobre un prochain colloque intitulé « Les oiseaux chanteurs. Sciences, pratiques sociales et représentations en Europe du Moyen Âge à nos jours ».


Entrer dans le monde du chant choral

Pour mieux comprendre quelques enjeux du chant choral, pensons à ce qui se passe en début de répétition.
Chanter donc, pour l’homme, cela peut ne pas sembler une chose très naturelle – ou plutôt une chose ordinaire. Ce qui est sûr c’est qu’il se produit un changement très particulier quand nous passons de nos activités quotidiennes à une activité telle que le chant choral ; quand nous nous préparons à un concert, ou tout simplement quand nous entrons dans une répétition.
À ce moment nous changeons de monde ; nous passons du monde de la parole au monde de la musique – particulièrement au monde du chant – et, en partie aussi, du monde des bruits quotidiens au monde du silence, silence entendu ici comme le fond sur lequel se détache la musique. Etienne Lestringant (La voix chorale, Van de Velde, 2004) a écrit de très belles pages à ce sujet :

En général, le silence est perçu comme quelque chose de négatif…Loin de correspondre à ce vide qui fait parfois si peur, son apparition dévoile le monde bruissant de l’invisible et de l’infiniment petit. L’instauration de cette plage silencieuse permet l’éveil progressif de la perception sensorielle à la rencontre des sensations les plus fines. Le silence se dévoile alors dans tout le rayonnement de son intensité (p. 173).

Ajoutons que le fait de pouvoir accéder à ce monde du silence (ce n’est pas ici celui du Commandant Cousteau, car c’est d’un silence qui s’entend que nous parlons) est tout simplement le signe que nos oreilles s’ouvrent vraiment, qu’elles se préparent à l’inouï.

Pour le choriste il y a lors de cette transition, dans son propre corps, un changement profond, vital même, puisqu’il concerne son souffle : c’est celui d’un passage entre deux régimes respiratoires. La respiration du chanteur est une respiration très particulière ; elle n’a rien de naturel, en tout cas de spontané ; elle demande à être patiemment cultivée.

Précisons tout d'abord la différence entre respiration vitale et respiration du chanteur : dans la respiration vitale, l'inspiration active et l'expiration passive sont non contrôlées; dans la respiration du chanteur, inspiration et expiration sont actives et contrôlées.
Dans la respiration du chanteur, contrairement à la respiration quotidienne, c'est surtout l'expiration qui est active. Le diaphragme remonte, certes, mais il remonte plus lentement pour permettre, entre autre, des phrases musicales plus longues. Cette remontée lente s'obtient par un jeu d'équilibre musculaire dynamique entre les abdominaux (obliques, grand droit et transverse) et leur antagoniste, le diaphragme, grâce au sternum légèrement soulevé et à l'ouverture des côtes 10/11/12.
M.F. Busnel, C. Demangel et P. Zedda, Le souffle du chant, dans "MARSYAS" N°32 (1994)

La respiration consciente du chanteur et le silence qui l’accompagne naturellement sont les deux conditions pour que se produise l’accès au monde du chant. E. Lestringant dit : La respiration lente et silencieuse est le moyen le plus sûr et le plus efficace pour parvenir à se relaxer en profondeur (p.175). Évidemment un chant bien exécuté ne vient ensuite qu’amplifier cette relaxation et offrir au chanteur d’être totalement immergé dans le monde de la musique.

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