Voilà, la saison est
terminée…Rendez-vous à la rentrée…Peut-être pas pour tous, bien sûr : les
déménagements, d’autres projets, et puis, peut-être aussi les incompréhensions
avec le chef…
Au fait, savons-nous vraiment pourquoi ils dirigent ? N’avons-nous pas quelques idées préconçues à ce sujet ? C’est vrai qu’il est rare qu’ils s’expriment à ce sujet, alors profitons de quelques rares témoignages. En voici quelques-uns.
La plupart le savent : je suis devenu chef de
chœur contraint et forcé : le désir de quelques amateurs de chanter
ensemble … le hasard : quelques-uns ont entendu parler … « Il chante
dans un ensemble vocal : il va nous faire ça … »
Persuadé que l’expérience d’un premier soir n’aurait
pas de lendemain … jamais dire « fontaine, je ne boirai jamais de ton
eau » surtout si celle-ci s’appelle chant, voix, amitié …
Le chemin d’un chef de chœur est à l’image de toute
route : on découvre à chaque étape, chaque tournant laisse entrevoir un
nouveau paysage, une nouvelle découverte, parfois quelques vagabondages, mais
toujours un objectif renouvelé, un nouveau but, une nouvelle quête. Je n’y
échappe pas : mon chemin est un voyage jusqu’ici réussi, de nouvelles
routes s’offrent à moi chaque année …
Permettez-moi ici une petite remarque : je
n’aime pas le mot « chef de chœur » il est d’ailleurs étonnant que
dans de nombreuses langues, on retrouve le mot de « dirigeant » ou de
« conducteur », mais pour ainsi dire jamais le mot
« chef ». Donner une « direction », « conduire »,
me semble des concepts plus adaptés que celui de chef, trop autoritaire, quasi
militaire, omnipotent. Le chant et son expression par une communauté d’esprit,
soit-elle un quatuor, octuor ou chœur de 100 choristes est une aventure humaine
trop riche pour qu’elle se résume à l’expression de la volonté d’une seule
personne. Heureusement, si le terme est présent, libre à chacun d’exercer son
management comme bon lui semble !
Il y a de multiples raisons pour lesquelles je
dirige (tiens … ici on dirige, on ne « cheffise » pas…). Les classer
dans un ordre décroissant d’importance se révèle un exercice pourtant plus
difficile qu’il n’y paraît. La passion de la musique et du chant n’est
pas le premier élément de ma démarche : cette passion serait plutôt
la base qui sous-tend toutes les autres motivations. Étant la matière même de
l’activité, celle-ci n’existerait pas s’il n’y avait musique, et sans passion
pour celle-ci.
Plus que jamais, il m’est évident que l’argument
premier est le partage. Sans doute le plus difficile à réaliser, mais sans
doute également l’espace d’investigations le plus vaste : partage de la
musique, partage de quêtes, partage de rencontres, partages de joies et parfois
(le moins possible svp) de peines, partage de travail, partage
d’aboutissements, partage de l’éphémère…
Le second argument est peut être quelque chose qui
serait un mixte de vocation, d’engagement, de don de soi, une sorte de
« devoir » de cultiver un talent pour ouvrir des portes à ceux qui
souhaitent les ouvrir. Pourtant, en ce qui concerne le chant, ce n’est pas
aussi simple : peut être y reviendrai-je à une autre occasion pour
m’expliquer.
La troisième raison est sans doute plus
égoïste : Chef, dirigeant ou conducteur, le chant confié d’un collectif
est dans ses mains au sens propre et figuré. A lui revient le choix de la
restitution d’une œuvre, en lui se cristallise la découverte, le travail,
l’interprétation. Sa responsabilité devient lourde que ce soit en termes de
réussite ou d’échec. Oui, à titre personnel, j’aime diriger, conduire car le
résultat est intangible, la sanction implacable : Adhésion ou rejet
(une petite digression encore : souvent chanter ensemble sous entend
association et donc « Adhérents » ou « adhérant » …)
Faire adhérer, non pas annuellement pas le biais d’une cotisation, mais
« rendre adhérant » à un projet, à un objectif, mais aussi rendre un
public « adhérent » à une idée, un concert par exemple, mais plus
encore de ce qui fait vivre un ensemble, un chœur. Accepter le rejet pour se
remettre en cause, détecter et anticiper pour éviter le rejet et ses
conséquences. Ego, Ego…
Une autre raison (mais qui ne clôt pas
nécessairement la liste) qui est sans doute plus subtile : toute activité
humaine collective est peu ou prou dirigée, conduite, managée, organisée,
visiblement ou non. Il n’est pas si sûr que le chant puisse être assimilé
à une « activité humaine » tant ce qui est du domaine de la voix, et
plus encore du chant, fait partie du plus profond de notre être. Bien avant la
transcription écrite, la musique était, le chant était. Le chant était-il avant
la parole, le chant était-il le Verbe ?
Au bout de vingt cinq ans de « direction
chorale », je prends petit à petit conscience (et très confusément) de ce
trésor et de son immensité. Surtout pas pour renier la production humaine d’une
musique qui exprime toutes les facettes de l’homme, mais pour y chercher
au-delà (y trouver ?) l’essence même de ce que nous sommes et en faire (en
retrouver) le lien indélébile.
Ma culture américaine marque mes principes
pédagogiques, qui m’amènent à recenser d’abord les points forts de la
chanteuse. C’est le point de départ à partir duquel les erreurs sont
autorisées, et permettent d’oser se dépasser. Je n’enseigne pas ce que je ne
peux pas faire moi-même. Je n’avance pas des principes dont je ne peux
expliquer l’importance ou l’utilité.
Il existe un véritable parallèle entre le chant et la vie : chanter en chœur, c’est vivre et s’exprimer au sein d’une communauté où chacun apporte ce qu’il peut, en cherchant à s’améliorer constamment.
Il existe un véritable parallèle entre le chant et la vie : chanter en chœur, c’est vivre et s’exprimer au sein d’une communauté où chacun apporte ce qu’il peut, en cherchant à s’améliorer constamment.
Les choristes avec
lesquelles je travaille témoignent régulièrement de la formidable ouverture et
de l’équilibre personnel apportés par cette pratique. Bien au-delà de la simple
lecture musicale, le chant choral permet de profiter du partage et du soutien
des autres choristes, en même temps qu’il oblige à un travail personnel
d’approfondissement de sa propre technique. Le chœur offre un cadre
sécurisant dans lequel le choriste peut, sans inquiétude, tenter des
expériences vocales et, par là même, se découvrir soi même.
En tant que Chef de Chœur,
je veille à créer une atmosphère où chacun se sent à l’aise et en confiance. Je
fais travailler la respiration,
la connaissance du corps, l’aisance des mouvements. Cela permet la progression de chaque choriste au sein du groupe. J’enseigne ces techniques de base tout en travaillant les œuvres afin que chaque choriste devienne un élément important du chœur. La connaissance de son corps en tant que son propre instrument est fondamentale pour libérer l’expression de celui-ci au service du chant.
Bien chanter c’est plus « être » que « faire ».
la connaissance du corps, l’aisance des mouvements. Cela permet la progression de chaque choriste au sein du groupe. J’enseigne ces techniques de base tout en travaillant les œuvres afin que chaque choriste devienne un élément important du chœur. La connaissance de son corps en tant que son propre instrument est fondamentale pour libérer l’expression de celui-ci au service du chant.
Bien chanter c’est plus « être » que « faire ».
Lorsque cette alchimie opère, le public ressent avec
bonheur ce travail individuel et collectif qui l’entraîne vers un dépassement
de son propre quotidien. Bien entendu cela implique pour les choristes comme
pour le chef de chœur un travail exigeant et une recherche constante de
progression.
C’est la raison pour laquelle je choisis un
répertoire correspondant à la fois aux objectifs de l’association, à la
sonorité et aux capacités d’évolution du groupe. Le chœur permet la rencontre
de personnes d’horizons différents, ayant un seul but : communiquer d’une
seule voix.
suite
Entretien
filmé avec Laurence Equilbey : L’art
de la direction de chœur
Après des études aux conservatoires de Paris et de
Vienne, Laurence Équilbey approfondit ses connaissances en direction de chœur
auprès du chef suédois Eric Ericson. En 1991, elle fonde le chœur de chambre Accentus dont la
vocation est de promouvoir le répertoire a cappella des XIXe et XXe siècles.
Traitée comme un instrument à part entière, la voix y revêt une dimension
orchestrale.
Huhehaote
Voronov
Kup Taldea
Chisinau
Mikrokosmos
Komlo
Les témoignages de chefs de choeur que l'on ne connaît pas sont intéressants.
RépondreSupprimerMais le témoignage de Michel Raquillet aurait été beaucoup plus instructif.
Marcelle
Je retiens ta suggestion Marcelle et j’essaierai de proposer le témoignage que tu souhaites. En attendant, j’ai retrouvé ceci (que tu as certainement déjà lu en 2009) :
RépondreSupprimerEVCLJ : Comment voyez-vous le chant choral ?
MR : L’essentiel pour moi c’est de donner la possibilité à tous ceux qui aiment vraiment chanter de pouvoir le faire dans les meilleures conditions. On a redécouvert depuis quelques années les vertus du chant choral. Je pense qu’on a découvert qu’une chorale est un lieu un peu magique où des personnes de tous horizons et de toutes générations peuvent aisément faire des projets en commun et les voir se réaliser semaine après semaine. La force de la musique, tout particulièrement quand c’est la voix qui la porte, est de réunir toutes les bonnes volontés ; il n’est pas nécessaire d’avoir des compétences particulières ; ce qui fait la qualité d’une chorale c’est d’abord le goût de cette complémentarité qui fait que notre propre voix se trouve transfigurée lorsque nous l’entendons s’harmoniser avec 40 ou 50 autres. Le chef de chœur est, pour moi, celui qui se porte garant de cette harmonisation.
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour ce billet très intéressant sur la vision qu'ont les chefs de choeur de leur travail auprès des choristes. Comme choriste, j'ai chanté avec une dizaine de chefs différents et j'ai toujours admiré leur capacité à s'adapter à leur public, à valoriser le travail de chacun, tout en restant rigoureux et strict sur la qualité musicale.
Je trouve qu'une des difficultés du métier est d'être capable de transmettre quelque chose à chacun -une technique vocale, une culture musicale- tout en produisant une oeuvre de qualité. Quand on connaît l'hétérogénéité des choeurs, des motivations et des exigences des choristes, c'est une véritable gageure chaque année !
En tout cas, bravo à vous chefs de choeur, qui accordez autant d'énergie à la musique !
Marie-Céline
Merci Marie-Céline pour ce compliment. Vous êtes sensible à l’énergie que vos chefs de chœur vous communiquent. Ils ne pourraient le faire sans cette écoute que vous aimez vous-même leur accorder. Entre choristes et chefs de chœur tout commence par l’écoute, voilà pourquoi nous pouvons parfois aller ensemble très loin.
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