lundi 5 août 2013

Mettre nos voix ensemble : une affaire de connivence


Les choristes se retrouvent évidemment pour le plaisir de chanter ensemble ; c’est d’ailleurs la raison d’être du chef de chœur : c’est à lui de faire que les choristes chantent ensemble.
Comment cela est-ce possible ? Nous l’avons déjà évoqué (voir : La partition) : cela n’est pas évident du tout. Et l’on est souvent laissé tromper par l’illusion de croire qu’il suffit que chacun sache sa partition.
Combien de fois, lors des premières séances d’apprentissage d’un chant, ai-je entendu au cours de la répétition des choristes dire : je n’arrive plus à le chanter, et pourtant je le savais !
On peut donc savoir une mélodie lorsqu’on la chante seul…et ne plus la savoir lorsqu’on essaye de la chanter avec les autres.
L’apprentissage réel du chant va donc consister, pour le choriste, non seulement à apprendre à chanter seul sa propre mélodie, mais aussi à apprendre à la chanter avec les autres.
Comment cela est-il possible ? Ce qui est certain c’est que cela va demander un travail sur plusieurs répétitions et qu’il faut parfois s’armer d’un peu – ou beaucoup – de patience et d’écoute. Mais à la fin – et d’autant plus que le processus a mis un temps long à aboutir – on se retrouve presque étonné d’y être arrivé !
Plus généralement, et en dehors des seules difficultés de mémorisation, c’est au bout d’un temps parfois assez long que la mise ensemble des voix aboutira à un chant de qualité. Du coup on finira parfois par ne découvrir la beauté et l’intérêt d’un chant qu’après un temps assez long et un travail patient ; parfois même seulement après plusieurs concerts.
On peut même ajouter que, après tout ce temps, lorsque je me mets à chanter à nouveau seul ma mélodie, je ne l’entends plus du tout comme je l’entendais au départ, et alors même que je croyais si bien la savoir. Même quand je la chante seule, si j’écoute bien je dois pouvoir entendre (dans ma tête) le chœur qui m’accompagne.
Que s’est-il donc passé ? Il s’est passé que, avec l’aide du chef de chœur, les choristes sont passés du stade de l’exécution basique d’une partition à celui d’une véritable interprétation ; et cette interprétation n’est plus d’une simple mélodie isolée mais d’une partie d’un chœur. On voit ainsi que ce qui va faire la qualité d’une interprétation, et plus généralement la qualité d’une chorale, c’est le temps que l’on aura passé à essayer de mettre nos voix ensemble. C’est donc bien durant les séances de répétitions que l’on apprend à intérioriser son chant d’une façon originale, c’est là que se produit dans notre esprit un véritable travail de création. Pas étonnant que l’on ressente parfois une telle impression de bienfait à l’issue d’une répétition : si l’on s’est totalement investi dans l’écoute et dans le chant, on peut avoir l’impression de ressortir littéralement transformé – un peu à l’image du chant que j’avais en tête et qui s’est bel et bien transformé dans mon esprit.
Mais, lorsque l’on sait que tout ceci est rarement facile, on comprend que la chose n’est vraiment possible que s’il existe au sein du chœur une chose essentielle : sa connivenceconnivence des choristes entre eux, connivence avec le chef de chœur ; connivence : une idée qui relève encore de l’idée évoquée dans l’article précédent, l’idée de complicité.

3 commentaires :

  1. Réflexion d'une choriste :

    * Il arrive parfois qu'un chant ne nous attire pas au premier regard ou à la première écoute de son pupitre et on l'apprend sans trop y croire. Et puis, au fur et à mesure des répétitions se dévoile la beauté de ce chant, que l'on imaginait pas, et ce, grâce aux autres pupitres.
    Ce qui me fait dire :

    1) qu'il faut être ouvert à tout type de chant sans idée préconçue
    2) qu'il faut se laisser porter par l'énergie du groupe
    3) qu'il faut faire confiance au chef de choeur
    4) qu'il faut accepter de ne pas toujours maîtriser ce qui se passe en répétition ni même en concert.

    Par contre, ce texte évoque les bienfaits que l'on ressent après une répétition mais parfois on en ressort totalement meurtri, terriblement insatisfait, frustré.

    Pourquoi ? Et comment y remédier ? La majorité des choristes viennent juste pour se détendre et n'appréhendent pas tout cela, c'est pourtant une dimension à prendre en compte et quasi incontournable. Et il faut pouvoir y résister....

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    1. Merci chère choriste pour tes remarques que je trouve toutes très justes. J’y vois 2 questions : celle de la maturation et celle …des frustrations, tout cela dans le cadre des séances de répétition.
      Le travail de répétition se caractérise par sa progressivité ; mais la progression n’est pas toujours la même et il peut arriver que l’on s’impatiente un peu, surtout lorsque l’on passe d’un chant plus facile à un plus difficile. Pour prendre deux images, j’imagine la construction de l’apprentissage d’un chœur un peu comme la sculpture d’une pierre : quelque chose de très informe au début, puis très lentement, une forme que l’on commence à deviner et enfin, souvent après beaucoup de patients efforts, l’émergence d’une silhouette lumineuse de netteté. Une autre image est pour moi celle d’un numéro d’équilibriste : combien de sueur et combien de chutes avant que l’artiste n’aboutisse à un équilibre qui paraîtra, de l’extérieur, comme une chose tout à fait naturelle. Un chef de chœur déclare ceci (Michèle Lhopiteau-Dorfeuille ; Paroles de chef et de choristes amateurs, in : La voix, L’Éducation musicale, nov.-déc. 2010, p.15) : « … le chant choral m’a apporté : le bonheur de faire naître des harmonies, de fédérer un groupe autour d’une œuvre donnée et de bâtir lentement et après des débuts souvent informes et laborieux, une matière sonore faisant le bonheur de ceux qui la fabriquent comme de ceux qui l’écoutent ».
      À un bout de la chaîne « des débuts souvent informes et laborieux » et à l’autre « le bonheur de ceux qui la fabriquent comme de ceux qui l’écoutent » : voilà rapidement résumée l’expérience courante du choriste.
      Ce qui caractérise le plus le travail de répétition c’est donc la maturation ; c’est une constante du travail du musicien et, même s’il est amateur, il finit bien par le savoir.
      Bien sûr on peut toujours avoir des moments de découragement, ce qui n’est pas interdit et pas forcément dramatique (même quand on est venu « pour se détendre ») ; on observera que c’est souvent parce que l’on avait peut-être un peu présumé de la facilité de l’œuvre en cours (au moins d’un passage récalcitrant) ! Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage… : c’est finalement la grande consigne qui unit les meilleurs artisans, quel que soit leur art ! Bref, je me demande finalement si une des plus grandes qualités du choriste ne serait pas la patience… – grâce à laquelle, c’est bien connu, on vient à bout des plus grandes difficultés.
      NB : J’ai même trouvé sur le web – http://www.miragegv.ca/pages/presentation.html – une chorale qui indique dans sa page de présentation : « On découvre vite l’importance de la patience et de la tolérance envers soi-même et envers les autres »

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  2. Pour conclure, chanter dans une chorale, ça doit nous rend meilleur...

    Patience et tolérance : un idéal à atteindre

    Merci

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