Chanter
c’est mettre en accord son chant
intérieur et son chant extérieur.
Cette
définition peut sembler à première vue un peu étrange ; pourtant elle pourra
être d’une grande utilité aux choristes qui souhaiteront progresser dans leur
chant.
Quand
on parle de progrès dans le chant on pense en général à la technique vocale ;
or si on chante avec sa voix, on chante aussi avec son oreille, en tout cas grâce à son oreille.
Progresser
dans son chant, c’est ce à quoi est appelé tout choriste, qu’il débute dans une
chorale ou bien qu’il soit déjà plus ou moins expérimenté : à quelque
niveau que l’on soit les progrès sont possibles ; ils sont même inhérents
à la vie de chanteur.
Certes
le moment le plus délicat est probablement celui des premiers pas dans une
chorale ; car même si le chant choral est ouvert à tous – et il faut qu’il
le reste toujours – il ne faudrait pas que les candidats se laissent abuser et
imaginent qu’il ne doit jamais y avoir quelque obstacle à franchir.
Étienne
Lestringant (La voix chorale, Van de
Velde, 2004, p. 192-193) pointe de façon remarquable une difficulté dont on ne parle
que trop rarement. Il aborde ce point au sujet de la question de la justesse.
Pour chanter juste, il est indispensable d’entendre
mentalement chaque son très précisément à l’avance…
c’est ce que nous avons appelé le chant intérieur ;
et voici maintenant pourquoi, d’après l’auteur, chanter juste n’est guère si
facile :
Une fois que
le chanteur a dépassé les premiers plaisirs du chant instinctif, qui octroie au sujet bien doué une facilité
naturelle qui le surprend et le ravit, le véritable apprentissage technique
commence. Il lui faut réapprendre ce que
la nature semblait lui avoir donné à profusion pour la vie entière, comme une
promesse de félicité illimitée avec lui-même et avec le monde, et qui semble
lui échapper soudain. Les certitudes du geste spontané se dérobent alors à
sa volonté. Il se retrouve aussi démuni qu’un débutant en quête d’une toute première
initiation. Il ne retrouve l’aisance du commencement qu’au bout d’un long
cheminement personnel. Pour accéder à un commencement de maîtrise artistique,
le naturel doit être réappris
nous
avions déjà abordé ce point dans Entrer
dans le monde du chant
et réinvesti entièrement, une étape après l’autre.
Tout apprentissage artistique nécessite une maturation inconsciente dont la
rapidité d’approfondissement échappe à la volonté du sujet. Le temps ne s’apprivoise
que dans la soumission à sa rigueur.
Pour
éviter toute désillusion fatale, il est donc important d’informer les personnes,
au moment de leur intégration dans la chorale, de la nature de l’activité qui
leur est proposé : elles auront à réaliser un apprentissage artistique.
Bien sûr toute la chorale sera là pour les entourer et les encourager – avec au
premier rang, évidemment, le chef de chœur. Elles ne seront donc pas déçues
lorsque les difficultés les plus habituelles surgiront ; elles sauront que
tout cela est normal et que le franchissement lui-même de ces obstacles n’est
pas le moindre intérêt du chant choral ; enfin le jour du concert, elles
apprécieront d’autant plus leur prestation réussie qu’elles auront en tête les
étapes franchies finalement avec succès.
Revenons
maintenant à notre thème de départ. La claire identification, par le chef de chœur
de la distinction entre chant intérieur
et chant extérieur, doit être un des
moyens les plus importants pour aider les nouveaux choristes à surmonter bien
des difficultés. Nous reviendrons donc sur cette question dans un article
ultérieur. Mais que l’on se dise déjà une chose capitale : le chanteur
doit apprendre à écouter, à s’écouter
lui-même avant d’extérioriser quoi que ce soit (ouvrir la bouche, et même faire
le moindre geste respiratoire) ; on ne chante bien que ce qu’on s’apprête à chanter ; le chant intérieur doit précéder le chant extérieur. Bien des erreurs sont dues
au fait que le choriste est trop pressé de chanter ; du coup, le premier
son émis est déjà mal en place – et tout le reste suit…
Bien
sûr quand je chante dans ma salle de bain je fais tout cela très naturellement !
Il me reste donc à franchir encore quelques étapes pour passer de la salle de bain à la salle de concert.
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