Le bicentenaire de la naissance de Giuseppe Verdi est célébré dans toute
la péninsule et sous toutes les formes : représentations théâtrales,
éditions de CD et DVD, émissions télévisées…

Portrait de Giuseppe Verdi par Giovanni Boldini, 1886. National Gallery of Modern Art, Rome.
Un timbre à son effigie sera même mis en vente par les postes italiennes ce 10 octobre.
Les
Italiens découvrent ou redécouvrent ainsi toutes les facettes de la
personnalité exceptionnelle de l’une des plus grandes figures de la
nation.
« Le 10 octobre, Giuseppe
Fortunino Francesco Verdi aura 200 ans. Je le dis au présent parce qu’il
est bien plus vivant que notre Italie morte », écrit le spécialiste en art lyrique du quotidien
La Stampa Alberto
Mattioli. De fait, Verdi continue à occuper une place centrale dans
l’esprit des Italiens, surtout en ces temps où le pays est figé dans une
crise profonde.
« Comme Cavour, Garibaldi, Manzoni, c’est un des pères de notre patrie »,
rappelle Giovanni, artisan romain à la retraite, qui vient de « casser
sa tirelire » pour s’offrir l’un des nombreux CD des œuvres de Verdi en
vente dans les kiosques à journaux.
Le soir du 9 octobre, du nord
au sud du pays, plus de 2 000 villes ont célébré le bicentenaire de sa
naissance, le 10 octobre 1813, en projetant sur des monuments ou façades
de palais le slogan
« Verdi l’invenzione del Vero » (« Verdi,
l’invention du réel »), titre d’une installation vidéo réalisée par la
Fondation pour les sciences religieuses Jean XXIII.
Sur des images d’archives de la RAI (télévision publique), elle offre 27 – le nombre de ses ouvrages lyriques dont le
Requiem – parcours sonores du répertoire de Verdi, d’
Oberto, conte de San Bonifacio à
Falstaff.
« Nous avons utilisé notre laboratoire audiovisuel pour rendre hommage à la spiritualité de la musique de Verdi », précise le professeur Alberto Melloni directeur de la Fondation Jean-XXIII.
Parmi les grands événements à l’affiche entre la fin 2013 et 2014,
La Traviata inaugurera, le 7 décembre, la saison de la Scala de Milan, sous la direction de Daniele Gatti.
« Verdi
est universellement présent car ses œuvres continuent de refléter avec
une simplicité désarmante nos inquiétudes, nos douleurs, nos passions », affirme le chef d’orchestre qui étudie son œuvre depuis l’âge de 15 ans.
« Verdi, nous l’avons dans la peau »
À Rome, le Théâtre de l’Opéra ouvrira, lui, sa saison lyrique le 27 novembre avec
Ernani,
dirigé par Riccardo Muti, maestro passionné par son compatriote auquel
il a consacré un essai l’an dernier. La fameuse rébellion
anti-Berlusconi du 12 mars 2011 résonne encore dans la salle romaine. Au
cours de la première de
Nabucco, l’opéra symbole du
Risorgimento, pour la célébration du 150
e
anniversaire de l’unité italienne, le Maestro Muti avait dénoncé la
désastreuse politique culturelle du gouvernement Berlusconi.
Le public s’était soudain levé comme un seul homme pour entonner, avec le chœur, le célèbre
Va Pensiero («
Oh ! ma patrie si belle et perdue…»), le chant des esclaves juifs devenu, au XIX
e
siècle, l’hymne des Italiens opprimés par les Habsbourg autrichiens. Et, comme alors, des cris
« Viva l’Italia ! » « Viva Verdi ! » avaient retenti dans la salle.
« Verdi,
nous l’avons dans la peau, il a su mettre en musique tous les
sentiments. L’amour, la colère, la vendetta… Mais aussi l’honneur, le
courage, la générosité. Il incarne notre force, notre dynamisme »,
s’enthousiasme Enzo Petrolini, le président du Club des 27. Ce cercle
très exclusif, fondé en 1958 à Parme, est totalement voué à Verdi. Il
est composé de 27 membres, uniquement des hommes,
« par tradition… »,
qui portent chacun le nom d’une œuvre du compositeur. Les 27 se
réunissent chaque jeudi pour parler de leur idole, bien sûr. Ils
organisent régulièrement des conférences dans les écoles de la région de
Parme. Depuis 2002, le club a même organisé un concours pour les
enfants : « Connais-tu Verdi ? ».
Enzo Petrolini se réjouit que
« dès l’âge de 4 ans, les enfants se montrent très réceptifs à sa musique ». Mais il ne comprend pas pourquoi les programmes scolaires sont
« si pauvres.
Même en histoire, on évoque Verdi en à peine quelques lignes, alors que le Va Pensiero
ou la Marche triomphale
d’Aida
sont aussi célèbres que la Cinquième symphonie
de Beethoven ! » déplore-t-il.
Tout Verdi à la télé
Cependant,
les jeunes Italiens pourront découvrir leur génial musicien à la
télévision où de nombreuses émissions lui seront consacrées.
« Nous allons parcourir, avec pédagogie, la grande histoire d’un génie italien dont certains chefs-d’œuvre comme la Traviata
, Rigoletto
, Aida
et Nabucco
, demeurent au hit-parade de la musique d’opéra », explique le directeur de RAI 3, Andrea Vianello.
« Nous raconterons tout : de sa naissance à Busseto à ses triomphes et ses échecs, en passant par son enfance dans la trattoria
de son père où tout le monde chantait, mais aussi sa vie amoureuse et sa modestie légendaire. »
Sans
oublier ce que Verdi estimait être sa plus belle œuvre : la
construction, en 1899, à Milan, de la Casa Verdi – où le compositeur est
enterré au côté de sa seconde épouse, Giuseppina Strepponi. Cette
maison de retraite pour musiciens accueille aujourd’hui encore
« les vieux artistes qui n’ont pas été favorisés par la chance ou qui ne possèdent pas la vertu de l’épargne ».
Anne Le Nir (à Rome)
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