Être choriste c’est faire l’expérience de multiples
rencontres. Ou plus exactement, c’est faire l’expérience multiple de la
rencontre.
- Parce qu’un concert c’est une rencontre avec un public
- Parce que dans son parcours un chœur aura l’occasion de rencontrer d’autres chœurs
- Parce qu’au sein de son propre chœur, nombreuses sont les occasions de rencontre du choriste.
Ce que je
voudrais souligner ici c’est l’étroite imbrication entre la rencontre humaine et la rencontre musicale.
Dans
chacune des trois circonstances – rencontres internes au chœur, rencontres avec
un autre chœur ou avec un public – la rencontre humaine est évidente (certes
plus ou moins profonde ou superficielle selon les cas). Mais comment
pourrions-nous définir la rencontre
musicale ?
On pense
d’abord ici à la phrase de Mozart : « Faire de la musique c’est
mettre ensemble des notes qui s’aiment ». Mozart pensait certainement aux
notes que le compositeur agence sur la partition. Mais il faut poursuivre la
réflexion jusqu’à l’exécution ou l’interprétation. Car – c’est une expérience
que font constamment les choristes – lorsque le chef de chœur met ensemble les
quatre pupitres pour la première fois, on sent bien qu’on est encore loin de
faire entendre l’œuvre telle que le compositeur l’a probablement rêvée !
De telle sorte que ce n’est qu’au fil des répétitions que la musique espérée va
peu à peu émerger, telles les formes de la statue se dessinant très
progressivement à mesure des infiniment nombreuses tailles du sculpteur. Je
dirais même – je ne sais si vous partagez cette idée – que ce sculptage sur
lequel la chorale passe l’essentiel de son temps, c’est aussi ce qui en fait
son essence, mieux : sa raison
d’être.
Pourquoi
cela ? Habituellement on dit plutôt que la raison d’être de la chorale ce
sont les concerts qu’elle donne. Oui, bien sûr, c’est le but affiché. Mais quand
on considère que beaucoup de chorales travaillent pendant 8 ou 9 mois pour
donner UN « concert de fin d’année » – des dizaines d’heures de
travail pour une demi-heure de concert – n’y aurait-il pas une raison plus
profonde à un tel acharnement ? Marcel Corneloup a cette phrase
surprenante mais juste : Une chorale
ne vit pas pour le concert, elle vit
par les répétitions.
Je dis
que cette raison profonde c’est la rencontre
musicale. Chaque œuvre, sous la forme première sous laquelle elle nous
apparaît dans la partition qui vient juste d’être distribuée, est pour moi un
défi ; je l’entends me dire : tous
mes graffitis, tu dois en faire de la musique – ou plutôt : tu dois demander à tes choristes d’en faire
de la musique. Mais pour cela tu n’as
pas le choix : tu dois les faire se
rencontrer (musicalement) ; c’est-à-dire les faire s’écouter pour
arriver à s’ajuster entre eux rythmiquement, mélodiquement, harmoniquement,
vocaliquement, consonnantiquement, respiratoirement, dynamiquement, etc.
Ce que
nous appelons couramment répétitions
ce sont donc, chers choristes, des moments essentiellement consacrés à la rencontre musicale ; et c’est vous
qui en êtes les principaux artisans. Je pense vraiment que c’est ce premier
type de rencontre qui est à la base de tout ; c’est lui qui fait que vous
pourrez vous rencontrer entre vous ensuite d’une façon profondément humaine,
que vous pourrez avoir de vraies rencontres avec votre public, que vous pourrez
envisager avec confiance de rencontrer d’autres chœurs. Telle est, pour moi,
lorsqu’on la pratique assidûment, la force profonde de la musique.
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