vendredi 10 janvier 2014

La musique comme rencontre

Être choriste c’est faire l’expérience de multiples rencontres. Ou plus exactement, c’est faire l’expérience multiple de la rencontre.
  • Parce qu’un concert c’est une rencontre avec un public
  • Parce que dans son parcours un chœur aura l’occasion de rencontrer d’autres chœurs
  • Parce qu’au sein de son propre chœur, nombreuses sont les occasions de rencontre du choriste.
Ce que je voudrais souligner ici c’est l’étroite imbrication entre la rencontre humaine et la rencontre musicale.
Dans chacune des trois circonstances – rencontres internes au chœur, rencontres avec un autre chœur ou avec un public – la rencontre humaine est évidente (certes plus ou moins profonde ou superficielle selon les cas). Mais comment pourrions-nous définir la rencontre musicale ?
On pense d’abord ici à la phrase de Mozart : « Faire de la musique c’est mettre ensemble des notes qui s’aiment ». Mozart pensait certainement aux notes que le compositeur agence sur la partition. Mais il faut poursuivre la réflexion jusqu’à l’exécution ou l’interprétation. Car – c’est une expérience que font constamment les choristes – lorsque le chef de chœur met ensemble les quatre pupitres pour la première fois, on sent bien qu’on est encore loin de faire entendre l’œuvre telle que le compositeur l’a probablement rêvée ! De telle sorte que ce n’est qu’au fil des répétitions que la musique espérée va peu à peu émerger, telles les formes de la statue se dessinant très progressivement à mesure des infiniment nombreuses tailles du sculpteur. Je dirais même – je ne sais si vous partagez cette idée – que ce sculptage sur lequel la chorale passe l’essentiel de son temps, c’est aussi ce qui en fait son essence, mieux : sa raison d’être.
Pourquoi cela ? Habituellement on dit plutôt que la raison d’être de la chorale ce sont les concerts qu’elle donne. Oui, bien sûr, c’est le but affiché. Mais quand on considère que beaucoup de chorales travaillent pendant 8 ou 9 mois pour donner UN « concert de fin d’année » – des dizaines d’heures de travail pour une demi-heure de concert – n’y aurait-il pas une raison plus profonde à un tel acharnement ? Marcel Corneloup a cette phrase surprenante mais juste : Une chorale ne vit pas pour le concert, elle vit par les répétitions.
Je dis que cette raison profonde c’est la rencontre musicale. Chaque œuvre, sous la forme première sous laquelle elle nous apparaît dans la partition qui vient juste d’être distribuée, est pour moi un défi ; je l’entends me dire : tous mes graffitis, tu dois en faire de la musique – ou plutôt : tu dois demander à tes choristes d’en faire de la musique. Mais pour cela tu n’as pas le choix : tu dois les faire se rencontrer (musicalement) ; c’est-à-dire les faire s’écouter pour arriver à s’ajuster entre eux rythmiquement, mélodiquement, harmoniquement, vocaliquement, consonnantiquement, respiratoirement, dynamiquement, etc.  
Ce que nous appelons couramment répétitions ce sont donc, chers choristes, des moments essentiellement consacrés à la rencontre musicale ; et c’est vous qui en êtes les principaux artisans. Je pense vraiment que c’est ce premier type de rencontre qui est à la base de tout ; c’est lui qui fait que vous pourrez vous rencontrer entre vous ensuite d’une façon profondément humaine, que vous pourrez avoir de vraies rencontres avec votre public, que vous pourrez envisager avec confiance de rencontrer d’autres chœurs. Telle est, pour moi, lorsqu’on la pratique assidûment, la force profonde de la musique.

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