Essonnances…La musique
– et singulièrement le chant choral – me fait souvent penser à l’eau d’une
rivière, parfois au bruissement d’un ruisseau, parfois au tumulte d’un océan.
Dans une œuvre symphonique, quelquefois aussi dans le simple égrènement des
notes d’un piano, je crois entendre ce bouillonnement. La rivière coule ;
il me semble que toute musique vraiment pure coule identiquement. Et puis l’eau,
n’est-ce pas notre premier milieu naturel, le premier milieu naturel de toute
vie ? Si la musique nous parle de la vie, c’est bien qu’elle doit avoir un
rapport intime avec l’eau.
Second élément : l’air. Cela semble évident, au moins
dans le cas du chant, sous-jacent à la musique il y a la présence de l’air ;
d’autant plus si cette musique respire vraiment. D’ailleurs on parle bien souvent
d’un air lorsque l’on évoque une
mélodie. Il arrive même que l’on ait un air
dans la tête ! Avec l’air, la musique est complice du plus insaisissable
des éléments ; et comme l’air elle peut nous entourer de toute part sans
que nous sachions comment elle s’y prend ; cela n’est pas pour rien dans
son pouvoir de séduction.
Troisième élément : la terre. En dépit de son caractère
éminemment fluide et évanescent, la musique nous ancre pourtant bien dans la
terre. Que ce soit par ses sons qui ont forcément un sens pour notre
verticalité – ils s’élèvent vers le haut ou descendent vers les graves – ou que ce soit par les rythmes
que nous formons en heurtant le sol de nos pas. L’harmonie, elle-même, s’ancre
dans la terre dans la mesure où tout accord a besoin de la fondation qui lui est
donnée par sa note fondamentale.
Quatrième élément : le feu. Si une musique est pleine
de vie c’est qu’une flamme lui a communiqué l’étincelle initiale à laquelle
elle s’est embrasée. Sans ce feu primordial quel élan pourrait l’animer ?
Ce feu précède donc, dans l’âme du musicien, le moment où la musique surgira ;
il devra continuer de l’animer sans défaillir tout au long de l’œuvre ; et
enfin, il continuera d’imprégner l’esprit de l’auditeur quelquefois bien
longtemps après l’extinction de la dernière note. Sans ce feu, pas de mémoire
de la musique. N’a-t-on pas dit que la mémoire était un feu ? Notre
expérience de la musique nous en donne une des meilleures preuves.