Le geste ne serait-il pas un inconnu au bataillon
des concepts du chanteur ?
J’ai eu vraiment l’impression de surprendre mes
choristes en leur disant récemment que l’origine du chant, dans le corps,
c’était le geste.
Il y a peut-être au moins 2 raisons à cet
étonnement.
Raison n° 1
On nous a tellement dit que le chant c’était du son
que l’on a spontanément du mal à penser que ce que nous devons demander à notre
corps de fabriquer ce n’est pas un son
mais un geste. Et ce geste lui,
ensuite, en conséquence, engendrera un son ; il doit en être la véritable
cause. Notre esprit commande le geste et le geste engendre le son. En fait,
nous devons assister à la production
de la vibration et du son par notre corps, mais de façon passive. Ce n’est pas
sur le son que nous agissons mais, par des gestes
internes, sur les différentes parties de notre corps qui peuvent être
mobilisées pour le produire et le moduler.
Raison n°2
Nous venons de dire : gestes internes. En effet nous sommes en général plutôt habitués à
entendre le mot geste être utilisé
pour désigner les gestes de la main ou de la tête ; et plus généralement
des gestes de notre corps visibles
extérieurement.
Le geste vocal,
tout au contraire – et c’est bien pour cela qu’il reste largement méconnu – est
un geste interne donc essentiellement invisible. Il mobilise principalement des
muscles qui vont du ventre à la tête et l’art du chant consiste à apprendre ces
différentes mobilisations ainsi que leurs coordinations.
Ajoutons que cela se fait sous le contrôle des
perceptions internes ou propres (on parle de la proprioception), des fameuses sensations
– selon le terme employé par les chanteurs – et très peu, en tout cas d’une
façon très secondaire, sous le contrôle de l’oreille ; car l’oreille
entend le son, certes, mais elle n’entend pas le geste (en tout cas d’une autre
façon – indirecte – et pas avant un long apprentissage). D’ailleurs au moment
où l’oreille entend le son, il est trop tard pour corriger un geste qui
n’aurait pas été bien réalisé !
*
Ce que nous venons de dire du geste par rapport à la
production du son dans le chant est tout aussi vrai dans le cas de la musique
instrumentale. L’interprète qui produit des sons avec son instrument actionne
celui-ci au moyen de gestes, gestes produits par ses doigts, ses mains, ses
lèvres, sa langue, son souffle, tous ces organes agissant soit directement sur
l’instrument, soit par l’intermédiaire d’un archet ou de baguettes ; de
telle sorte que chaque geste ou chaque ensemble de gestes aboutit à la
production de son.
*
Une conséquence que nous devons tirer de ces
considérations est la suivante : la conduite d’un chef de chœur ou d’une
chef d’orchestre doit être pensée en
direction des gestes des musiciens, et non en direction des sons que
ceux-ci ont à produire. Or puisque d’une façon générale le geste déclencheur précède le son produit, le geste du chef
devra anticiper – plus ou moins
largement selon les cas – sur le moment
de démarrage du son proprement dit.
*
Enfin, profitons de ces remarques pour préciser que,
contrairement à une conception traditionnelle, on ne peut considérer le corps
du chanteur comme un instrument, dans le sens où le chanteur disposerait de son
corps comme l’instrumentiste dispose de son instrument. Il est bien évident que,
contrairement à l’instrument de musique, le corps du chanteur ne lui est pas
extérieur, il ne lui est même pas étranger : il est son propre corps. Du coup cela rejoint l’idée que les gestes du
chanteur ne sont pas extérieurs mais sont, à
la fois, et ce que produit son corps, et ce qui agit sur ce même corps.
À suivre
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